Plaidoyer pour les collectifs de citoyens
Samedi 6 février se tenaient des Rencontres du Dialogue Citoyen au Conseil Départemental de la Haute-Garonne à Toulouse. Les chercheurs Marion Carrel et Loïc Blondiaux étaient invités à partager leur vision. Ils ont donné un résumé de leur intervention dans une interview vidéo. Il en ressort un plaidoyer pour les mouvements de citoyens dans le cadre d’une démocratie participative, en complément de la démocratie représentative. Les citoyens n’ont pas vocation à être instrumentalisés par les institutions mais à construire la démocratie en se constituant en collectifs, en interpelant et en dialoguant avec les représentants publics.
A la question de la journaliste, quel message avez-vous envie de faire passer aux citoyens, Marion Carrel répond (à la 8’9) : « Qu’ils s’organisent, qu’ils se fassent entendre dans tous les endroits où ils peuvent le faire. Qu’ils soient force de proposition tout en essayant de maintenir et de construire aussi une forme de pouvoir dans des collectifs, des groupes. C’est très important qu’on ait pas sur la participation une vision uniquement institutionnelle, procédurale, descendante parfois, mais que les citoyens sachent qu’ils ont aussi un pouvoir d’action collectif qui est très fort, un pouvoir d’interpellation aussi des services publics et des pouvoirs publics, qui est très utile, très important pour la démocratie. »
Loïc Blondiaux abonde dans ce sens (à la 8’53) : « Les citoyens ont une part de responsabilité dans la réussite dans la démarche de participation. Il est clair qu’on ne peut pas faire de la démocratie avec des consommateurs de politique, avec des gens qui acceptent passivement ce qui leur arrive ou qui ne prennent pas la responsabilité de leurs demandes ou de leurs expressions. J’attends que la démocratie repose sur des citoyens actifs. Je pense qu’il n’y a que dans cet équilibre-là entre la démocratie institutionnelle et ce qu’on appelle quelques fois la contre-démocratie que la démocratie existe réellement. »
Loïc Blondiaux rappelle aussi les enjeux de la démocratie participative (à la 5’33) : « L’enjeu , c’est la question de la démocratie. Si on définit la démocratie comme l’égale capacité pour chaque citoyen d’influencer le processus de décision, il est clair qu’aujourd’hui nos systèmes ne satisfont pas à ce principe, c’est-à-dire qu’on considère que la démocratie, c’est l’élection. Or dans l’intervalle entre les élections, il importe que le citoyen puisse être entendu, puisse être consulté. Les risques de ce type de démarche, ils viennent de ce que c’est très compliqué, même si on dispose de tous les outils aujourd’hui pour faire participer les citoyens. Il faut vraiment impérativement que les élus et les techniciens changent de posture, acceptent de se mettre un petit peu en danger, de se mettre en risque. C’est très compliqué dans notre culture politique en France. »
En savoir plus
Marion Carrel est maître de conférence en sociologie à l’Université de Lille 3. Son champ de réflexion porte sur la politique de la ville, la démocratie participative et la citoyenneté dans les quartiers populaires. Son essai « Faire participer les habitants ? Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires » (ENS-Editions, 2013) est une version remaniée d’une thèse de doctorat en sociologie sur les écueils, les limites et les succès de la participation des habitants des quartiers d’habitat social à la définition et l’évaluation des politiques de la ville. Marion Carrel a récemment co-écrit le livre « Citoyennetés ordinaires. Pour une approche renouvelée des pratiques citoyennes » (Karthala , 2014) avec Catherine Neveu.
Loïc Blondiaux, est professeur de science politique à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et chercheur au Centre Européen de Sociologie et de Science Politique (CESSP). Il dirige dans cette université le parcours « Ingénierie de la concertation » du Master professionnel « Affaires publiques » qu’il a créé en 2011. Il dirige également la revue Participations et préside depuis sa création en 2008 le conseil scientifique du Groupement d’Intérêt Scientifique «Participation du public, décision, démocratie participative » qu’il a créé avec Jean-Michel Fourniau (IFSTTAR – GSPR). Il a écrit notamment le livre « Le nouvel esprit de la démocratie : Actualité de la démocratie participative« (Seuil, 2008).
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